Touche pas à ma viande de porc
Dans la capitale politique béninoise, la viande de porc a une bonne réputation. Moins chère, succulente et nutritive, elle suscite partout enthousiasme et grand appétit.
Article rédigé dans le cadre du ‘’Suivi’’ des stagiaires de la formation en techniques rédactionnelles niveau 2, exécutée par l’agence Proximités Sarl et financée par la HAAC.
Les charcuteries, gargotes et autres points de vente de la viande de porc sont légion à Porto-Novo. Il existe peu d’arrondissements voire de quartiers de la capitale politique où il n’existe pas un point de vente de cette viande, crue ou cuisinée. « Ce que l’on peut rapidement trouver à manger à Porto-Novo est la viande de porc », constate Fulbert Michozounou, agent au ministère de la santé. De même, plus que les Cotonois et les habitants des autres grandes villes du Bénin, les Porto-Noviens sont connus pour leur goût prononcé pour le « Hanlan » (viande de porc). « Cette viande est entrée dans mes habitudes alimentaires, reconnaît non sans humour Léopold Tonon. Quand je n’en mange pas au cours d’une journée, je ne me porte pas bien, je tombe malade !».
Cet engouement s’explique d’abord par la disponibilité en qualité et en quantité de cette viande. Domestique ou semi-industriel, l’élevage du porc est très répandu dans les départements de l’Ouémé et du Plateau. Les enclos et fermes d’élevage sont très nombreux du fait du coût d’élevage plutôt bas du porc qui, à l’opposé des autres espèces animales domestiques, est peu exigeant en matière d’alimentation et d’entretien. Plutôt débrouillard, le porc mange un peu de tout : restes de nourriture humaine, tubercules, son, certaines plantes, etc. Dans les années 70, sa viande était considérée comme celle de la populace contrairement aux viandes, plus chères, des volailles et surtout des ovins et bovins qualifiées de « viandes nobles ou de luxe ». « Les populations des banlieues de Porto-Novo nommées ‘’Gbétanou’’ qui organisaient les cérémonies d’enterrement à Porto-Novo, offraient cette viande aux convives sous forme de sauce communément appelée ‘’Kpètè’’ accompagné d’akassa. », rapporte Marcel Yves Koudjo, un imprimeur. ‘’…la meilleure viande au monde…’’
Mais vers la fin des années 80, les difficultés économiques du Bénin marquées par la fermeture des entreprises publiques et les licenciements massifs des travailleurs ont accru la pauvreté et érodé le pouvoir d’achat des populations. La dévaluation du franc CFA en 1994 a aggravé la situation. Du coup, les prix des autres viandes ont flambé, entraînant la ruée vers l’élevage et la consommation de la viande du porc. C’est du reste ce que révèlent des études sur ‘’le rôle des petits métiers dans la vie économique’’ réalisées et publiées en 1999 par le Pr. John O. Igué dans son ouvrage Le Bénin et la mondialisation de l’économie. «Les riches rivalisent avec les pauvres dans la consommation de cette viande !», ironise Cosme Gbaguidi, fonctionnaire de police à la retraite. «Aujourd’hui, plus personne ne refuse d’en consommer», poursuit Marcel Yves Koudjo. ‘’Plus personne’’, sauf quelques rares hommes et femmes réticents à consommer cette viande pour diverses raisons ainsi que les musulmans à qui le Coran a dit : « Vous sont interdits / la charogne, le sang, la viande de porc » (Coran, V, 3).
Cependant, les raisons socio-économiques n’expliquent pas tout. La viande de porc, selon Léopold Tonon, un quadragénaire dont les parents sont charcutiers, serait très facile à cuire. « Entre 15 à 20 minutes suffisent pour qu’elle soit prête à être servie à table, déclare-t-il. En outre, elle ne demande pas beaucoup d’ingrédients pour son assaisonnement ». A en croire ses accros, elle aurait un goût particulier et serait plus appétissante que toutes les autres viandes. Paul Johnson, un retraité, relève : « La viande de porc est la meilleure au monde à en croire les nutritionnistes et vétérinaires ». Cosme Houssou, ancien sapeur-pompier à la retraite, ne cache pas son enthousiasme : « Je peux manger la viande de porc tous les jours, je l’adore trop !». Et André Noudofinin, conducteur de véhicule administratif, de renchérir sur le même ton : « Lorsque je vais à une cérémonie funéraire ou autre, je demande d’abord si parmi les mets disponibles il y a la viande de porc. Si on me répond par l’affirmative, je ne prends plus rien d’autre !».
Célestin Houssou
Un vendeur de porc pas comme les autres
Dans le département de l’Ouémé comme au-delà, beaucoup de gens le connaissent. Pour eux tous, Célestin Houssou est un véritable cordon bleu, un spécialiste inégalé de la viande de porc.
On le dit doué pour la cuisine. Et il l’est. On le dit spécialiste de « hanlan », la viande de porc, et il le démontre chaque jour. A Adjarra, dans la commune de Porto-Novo, la capitale politique, le restaurant ‘’Houssou’’ ne désemplit pas. Déjà à quelques pas de cette Petite et moyenne entreprise (Pme) familiale, l’arôme épicée de viande de porc taquine les narines, creuse l’appétit. La trentaine, le teint un peu foncé et le visage marqué par trois cicatrices raciales sur chaque joue, Célestin y reçoit une foule de clients d’origines diverses : les ‘Ouémènous’’ (les habitants du département de l’Ouémé), mais aussi des Cotonois, des ressortissants d’autres pays de la sous-région voire des Chinois, Français, Américains, etc ! Preuve qu’il a une solide réputation.
En fait, « c’est ce que nos parents nous ont légué que nous continuons de parfaire, mon frère Gounou et moi», répond avec humilité Célestin lorsqu’on l’interroge sur l’origine de son activité. Il est le fils aîné de feu Rigobert Houssou, qui a lui-même hérité de l’activité de vente de viande de porc de son grand-père Danvognanou. A la mort de ce dernier en 1982, Rigobert Houssou avait pris la relève. Célestin, qui était à l’époque au CM1 (Cours moyen 1), abandonna les classes et se mit à l’école de son géniteur. Jusqu’en 2001, année du décès de son père, il apprit auprès de celui-ci les techniques les plus raffinées en matière d’art culinaire. « Je n’utilise ni cube, ni tomate en boîte, pas de tomate fruit. L’oignon, l’aille, le poivre et le gingembre suffisent pour que la cuisine soit appétissante », déclare-t-il. De même, ce passionné du travail veille à une bonne gestion de l’entreprise. Debout à 4 heures du matin
Pour le jeune gérant et ses frères, la journée de travail commence à 4 heures du matin et finit autour de 17heures. Tôt le matin, commence l’abattage des bêtes, en moyenne deux par jour achetées sur le marché local à des prix variant entre 60 000 et 70 000 Fcfa. Mais les week-ends et jours de marché, ils tuent jusqu’à 4 porcs car la demande est abondante. Débarrassés de leurs poils, éviscérés, les animaux sont ensuite découpés en morceaux, frits ou bouillis, servis sous forme de sauce « kpètè » avec de l’akassa ou sous forme de « bâ », une pâte faite avec de la farine de manioc. Les week-ends, surtout les dimanches, les clients affluent dès 9 heures du matin. Mais les jours ordinaires, le service commence à 11 heures.
Pour s’asseoir et manger, les clients ont le choix entre les deux bâtiments du restau Houssou, construit en dur et couvert de paille. Le premier bâtiment abrite la cuisine, le comptoir et un espace de vingt-cinq places assises. Le second, de construction récente, peut contenir une cinquantaine de places. A l’entrée, la sœur aînée de Célestin, une quadragénaire au teint clair, vend avec gentillesse des boissons fortes qui accompagnent le plat de résistance. En guise de desserts, le restau propose aussi divers fruits (ananas, bananes, oranges, papayes, citrons), des friandises (amende de cajou, cacahuète, petit caillou, arachide bouillie ou grillée en coque, arachide grillée en bouteille), etc. Célestin tient à la propreté, à la qualité du service et à la diversité des produits qu’il offre. Rien à avoir avec les gargotes mal famées et malpropres qui pullulent dans les rues !
Des clients satisfaits
Accroc de la cuisine, Célestin est aussi un grand mélomane. Il adore la musique traditionnelle et moderne. Mais, au travail, plus rien ne l’intéresse. Il n’aime pas qu’on le perturbe. Assis, dos légèrement tourné à la porte d’entrée, il porte souvent une serviette beige au cou. Attentif, il enregistre les commandes des clients. Le plat de 500 FCFA compte 10 morceaux de viande à raison de 50 FCFA l’unité. « Célestin marche efficacement sur les traces de son feu père que j’ai eu la chance de connaître dans les années 1970. Le goût du plat est resté à peu près le même», témoigne Nicolas Avocetien, un client fidèle. « Je viens ici au moins deux à trois fois par semaine pour manger la viande de porc arrosé de vin», renchérit Papa Dagba, un autre chaland. « Nous venons manger ici parce que c’est bien fait », se réjouit aussi sous anonymat une Chinoise, accompagnée de deux de ses compatriotes.
Grâce à cette activité, Célestin arrive à faire vivre sa petite et sa grande famille, soit dix-huit personnes en tout. « C’est avec cette activité que je supporte les frais de scolarisation de 10 enfants dont 7 collégiens», précise-t-il. Avec ses frères et sœurs, il a pu achever la construction de la maison entamée par leur feu père. De même, il a construit une autre maison mise en location. En somme, la vente de viande de porc est une activité rentable.
Séverin AGBAZAHOU
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